La saison des chatons débute doucement, et les refuges sont aux premières loges. Aux premières loges pour toutes ces petites misères victimes du refus de stérilisation pour leur maman, qui n’avait besoin ni d’être enceinte, ni d’être séparée de ses petits, et encore moins de les voir succomber aux épidémies qui ravagent les refuges, en été.
Heureusement pour eux, vous êtes nombreux à venir pour les rencontrer et les adopter, ces petits bébés de 2 mois, 3 mois, 4 mois. Saviez-vous que tous les chats ont un jour été de mignons petits chatons ? Lors de la grosse période, chaque jour il y a en moyenne entre 3 et 4 visiteurs qui n’ont d’yeux que pour les chatons, contre 1 à 2 visiteurs par semaine qui seraient prêts à voir plus loin dans l’âge du chat.
S’il n’y en a pas sur place, ils s’en vont, dépités. S’il y en a, et qu’ils sont sauvages, ils sont partants, tant que ce sont des chatons. S’il y en a et qu’ils sont malades, ils sont partants, tant que ce sont des chatons. S’il y en a qui sont déjà réservés ou partis 5 min avant, on nous fait un scandale.
Ces visiteurs déambulent dans le couloir de la chatterie, en quête de la plus petite créature qu’il soit, en ignorant volontairement les autres. Qui sont-ils, « les autres » ? Tous ces adultes, qui ont été abandonnés, trouvés, ramassés en piteux état parfois, malades, infestés de parasites, battus, maltraités, négligés.
Que nous, soigneurs et bénévoles, avons promis de protéger et de soigner coûte que coûte, que nous ramenons de parfois très loin. En se faisant griffer, mordre, blesser, afin de sociabiliser et soigner ceux qui ont le plus souffert. Toutes ces pauvres âmes à qui nous prêtons une attention particulière, à qui nous tendons l’oreille même si le langage n’est pas le même, que nous observons chaque jour pour apercevoir la moindre amélioration.
Tous ces chatons arrivés quelques mois auparavant et qui ont grandi au refuge, parce qu’ils n’étaient pas au goût des visiteurs. « Les autres », ce sont les chats de 4, 5, 8 ou 10 ans, les chats FIV positifs, les chats terrés loin, très loin au fond de leur cage, ceux qui ont peur, ceux qui ont mal, ceux qui pleurent quand la SPA se vide, les boiteux, les borgnes, les gueules cassées, ceux qui ont morflé dans le passé, ceux qui se souviennent qu’ils ont eu une famille qui leur a tourné le dos.
Ce sont les gros, les moches, les mordeurs, qui ont la griffe facile, les invisibles parce qu’ils sont noirs, tigrés, qui n’ont pas un beau poil, qui ont été tondus, à qui il manque des dents, les vieux, et les galeux. Ceux à qui il manque une patte, ou parfois deux. Ce sont ceux qui ont un traitement médical peut-être à vie, ceux qui tremblent, ceux qui grognent. Ceux qui, après avoir été victimes d’abandon, sont en plus victimes d’une date de naissance ou d’un aspect.
Saviez-vous qu’ils ont beaucoup de choses à vous raconter ? Qu’il leur reste peut-être plus d’années à vivre que pour le petit chaton que vous avez adopté, parce que le futur est imprévisible ?
Ils sont pourtant là, tout près, derrière chaque porte que vous n’avez pas voulu pousser, cachés dans l’ombre de leur âge ou de leur passé. Pousser la porte d’un refuge pour une adoption, c’est beau, pousser cette même porte pour un sauvetage, c’est encore mieux.
Parce que oui, nous le voyons lorsque vous détournez les yeux, alors que les leurs vous implorent, et qu’ils se frottent à leur cage pour espérer un moment de douceur. Nous voyons lorsque vous partez à la recherche du plus petit chaton du refuge sans vous retourner sur « les autres ».
Nous croisons ces regards chaque jour qui passe, et dieu seul sait que le temps est long, pour les animaux en cage, peu importe leur race, et surtout, peu importe leur âge. Eux non plus n’ont pas demandé à être délaissés.
Posez un regard bienveillant, une main tendre sur un de ces « autres » chats, et par pitié, permettez leur aussi d’EXISTER.